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L’Explorateur
1898
adapté d’après un poème de R. Kipling
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“ Il ne sert à rien d’aller voir plus loin que la lisière de tes cultures ”
On m’a dit, et je les ai cru ; de retourner ma terre et d’y semer mes plants,
De choisir un terrain et de construire ma maison près de cette pâture
Nichée au-dessus des collines, là où s'échappent les sentiers adjacents.
Jusqu’à ce qu’une voix, comme une mauvaise Conscience réprouvée,
Nuit et jour dans un éternel Murmure, vint et me chuchota :
“ Quelque chose se cache. Va et repousse tes Limites. Va les trouver.
Quelque chose est perdu derrière Tout Ça. Il t’attend. Va ! ”
J’ai alors choisis de partir, fatigué d’attendre et sans en informer personne,
Me dérobant avec mes malles et mes chevaux, je suis parti sans aucune prière ;
Avec la conviction que bouger les montagnes ne pourra pas changer la donne,
Je me trouvais face à des cimes vertigineuses et abruptes qui me semblaient familières.
Pas à pas, je restais perplexe en contournant les flancs et en esquivant les collines,
Hâté de trouver de l’eau, de revoir les vastes prairies ;
De camper au dessus des arbres, sur les roches nues et sur la neige fine ;
Me sentant libre face au vent, je savais que j’étais en train de tomber dans une Féérie.
Je pensais la baptiser pour le chercheur ; mais le froid du Nord me trouva cette nuit ;
Gelant et tuant mes chevaux ; j’ai alors appelé cet endroit Désespoir.
Puis, le Murmure me réveilla de nouveau vers minuit :
“ Quelque chose est perdu derrière Tout Ça. Au-delà! Va voir ! ”
Je sais alors, le temps d’un insistant ; sais que Son souffle était sur moi.
Encore une fois, il peut s’agir d’une illusion ; nombre de plus téméraires y sont restés,
Je pouvais retourner vivre au canton, mais … cette terrible idée me mettait en émoi.
Mais je l'ai pas fais ... je ne le ferai jamais. Je suis alors descendu vers un autre côté.
Jusqu’à ce que la neige tombe et couvre les fleurs, et que les fleurs deviennent fécondes,
Jusqu’à ce que les bois jaillissent des fourrés et que les ruisseaux débordent ;
Mais les bosquets devinrent épineux, et l’eau se fit peu profonde,
Me revoilà dans le désert ; le était ciel explosif et la terre brûlée de discorde…
Je me souviens la lueur du feu ; je me souviens d'être assis près d’elle ;
Je me souviens de ses visages, écoutant leurs voix à travers la fumée ;
Je me souviens de ces songes ; car je vivais une expérience sensorielle.
“ Quelque chose est perdu derrière Tout Ça ” étaient les seuls paroles scandées.
Je me souviens devenir fou. Je m’en souviens car j’étais lucide
Quand je m'entendais huer ces drôles de gens que je croisais.
Ce désert est plein d’illusions : je le traversais grâce mes jambes toujours solides...
Et je regardais bouger mes pieds noirs et lourds comme des creusets.
Enfin le pays changea ; le pays des Hommes Blancs devint en un instant ;
Des étendues vertes et des forêts immenses, avec quelques collines au loin ;
Là, j’ai trouvé de la nourriture et de l'eau, j’ai pris une semaine de bon temps,
J'ai repris mes forces et j’ai oublié mes cauchemars. Puis j’ai continué mon chemin.
À partir de là commença ma survie ; j’ai choisi un arbre comme toit de chaume ;
Semaine après semaine, alors que je fouillais ; mes efforts ont été chanceux.
Saül qui allait chercher des mules, trouva grâce à Dieu un royaume !
Grâce à Dieux, qui m’envoya Son Murmure, j’ai été frappé de son mérite !
Le long des montagnes hostiles, là où la neige glisse comme une chevelure ;
Aux pieds des profonds marais tachetés de minerais encore inexploités,
Jusqu’à entendre le bruissement de rivières coulant à vive allure,
Au-delà des forêt inconnues et des plaines illimités !
Sites propice pour une civilisation future, fructueuse et douce ;
Près des rapides déchaînés vrombissant à l’allure de Pur-Sang ;
Les cascades serpent entre les sous-bois qui poussent ;
Les plantes nourricières attendent près de ce versant !
Je sais que d’autre s'en attribueront la découverte : ceux qui vont me succéder ;
Ils viendront par douzaine, sans jamais avoir connu les peurs du premier ;
En suivant les camps que j'ai quitté et en utilisant les trous d'eau que j'ai creusés.
Ils reviendront et en parleront. On les appellera les pionniers !
Ils trouveront la lisière de mon village ; mais pas celui de mes souvenirs.
Ils re-découvriront les rivières ; mais pas celles que j’entendais la nuit.
Avec mes propres marques laissées, ils me montreront comment y parvenir ;
Avec mes amas de pierres solitaires, ils guideront mes pas sans ennuis.
Ai-je nommé une seule rivière ? Ai-je revendiqué une seul lopin de terre ?
Ai-je gardé une seule découverte, un seul trésor ? Non, aucun !
Car ma récompense me fut donnée par le Créateur salutaire.
Mais vous ne comprendrez pas. Vous êtes trop occupés et mesquins.
Vous trouverez ici des gisements ; du bois et du bétail ; de l’eau potable,
Du charbon et du métal ; ainsi que des champs d’épeautre.
Dieu a prit soin de cacher son pays jusqu’à ce que l’Homme soit acceptable,
Puis Il m’a choisis pour être son Murmure, je l’ai trouvé et il est votre !
Oui votre “ à lisière des cultures ” ; oui, votre “ pays fastidieux ”
Et “ pas la peine d’aller plus loin ” ... jusqu’à ce que je franchisse vos lois.
Pardonnez moi ! Ce n’est pas moi. C’est le présent que nous fait Dieu.
N’importe qui aurait pût le trouver mais ... Son Murmure vint à moi !